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main, presque sortant des bancs de l’école, mais déjà couronné, néanmoins, par l’Institut, pour son charmant éloge de Montaigne. J’assistai à sa présentation chez M. de Narbonne, et l’entrevue fut, entre les deux interlocuteurs, un feu d’artifice d’esprit, de bons mots, de réparties, d’allusions, qui aurait ébloui madame de Staël elle-même. M. Villemain a raconté ces premiers moments de sa vie et de notre liaison, avec sa vivacité et sa grâce accoutumées. Ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’il était, dès ce moment, ce qu’il n’a jamais cessé d’être depuis, un des esprits les plus délicats, les plus souples, les plus fins, un des caractères les plus élevés et les plus droits qu’aient produits notre temps et notre pays.

Ce fut également vers ce temps et pendant l’un de mes séjours à la campagne, qu’on vit naître, se poursuivre et s’accomplir l’œuvre de ténèbres qui conserve, dans le langage officiel des historiens de l’Empire, le nom inoffensif de transaction de Bayonne.

Nous étions, aux Ormes, sur la route des nouvelles ; en fait d’allées et venues, rien ne nous pouvait échapper.

Je vis passer l’empereur, qui se rendait à Bayonne.