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Il avait des parents dans une petite ville, située en pleine Vendée, sur le bord de la mer, par delà Machecoul, et nommée l’Isle-de-Bouin. Nous y allâmes en partant des Ormes, et en traversant Angers, Saumur et Nantes. C’était peu après la seconde pacification, celle qui suivit l’avènement du premier consul, et qui fut l’ouvrage des généraux Hédouville et Brune. La contrée dont je parle n’avait point participé aux nouveaux troubles ; mais elle portait encore de toutes parts l’empreinte des ravages qu’elle avait subis quelques années auparavant. Les villages étaient encore à moitié détruits, les bois incendiés, les champs en friche. La paisible famille au sein de laquelle nous fûmes reçus, les voisins qui la fréquentaient, les habitants du lieu et des localités environnantes nous racontaient les scènes d’horreur dont ils avaient été témoins, comme les bourgeois de Paris racontaient, après le 9 thermidor, les massacres du 2 septembre : simplement, familièrement, par forme de conversation. Ils interrompaient leurs récits pour vaquer à leurs affairés domestiques ; les caquets de petite ville allaient leur train. Étrange nation dont on peut dire ce que disait du génie de la Grèce l’auteur des Martyrs : qu’elle ne peut faire, de la