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cette journée. Comme je ne fais point de portraits, je ne fais point non plus de tableaux. Ce qu’était madame de Staël pour ses enfants, et pour ceux qui vivaient dans son intimité, ne sera jamais compris que par eux.

Vers la fin de la matinée, lorsque la première explosion de la douleur eut fait place à l’abattement, lorsque les tristes apprêts furent terminés, je conduisis ma femme et mon beau-frère dans l’appartement que j’occupais rue d’Anjou. M. Jacquemont, père du célèbre voyageur, qui occupait le second étage, mit son propre appartement à ma disposition. J’y installai M. Rocca, M. Schlegel, et mademoiselle Randall, et je retournai dans la maison mortuaire pour y passer la nuit.

Benjamin Constant vint m’y trouver, et nous veillâmes ensemble au pied du lit de madame de Staël.

Il était touché au vif et sincèrement ému. Après avoir épuisé les souvenirs personnels, et les regrets du passé, nous consacrâmes de longues heures aux réflexions sérieuses. Tous les problèmes qui s’élèvent naturellement dans l’âme en présence de la mort furent agités par nous et résolus dans un sens qui nous satisfaisait l’un et l’autre. Il était