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pagne de Russie. J’allais de jour en jour et de médecin en médecin, accompagné par le docteur Esparon, l’un de ceux que nous avions appelés et qui, dans son zèle généreux, consacrait une partie de son temps à me servir de guide et d’interprète auprès de la Faculté tout entière. Je retrouvai dans cette tournée le docteur Laënnec, dont j’avais été le condisciple à l’École centrale des Quatre-Nations. Il ne me reconnut pas, et je ne l’aurais pas reconnu. C’était un grand esprit dans un corps chétif ; il avait besoin de se donner à lui-même ses premiers soins. Sa porte était gardée par un cerbère femelle qui ne l’ouvrait qu’à heure fixe. Nous attendîmes, le docteur Esparon et moi, pendant très longtemps, avant d’être admis dans un petit oratoire, où ne se trouvait pour tout meuble qu’un prie-Dieu et un crucifix. Laënnec nous fut de peu de secours.

La Faculté de Paris ne nous donnant aucun espoir de guérison, aucun même de soulagement, madame de Staël désira vivement se mettre entre les mains d’un médecin de Genève, M. Butini, fort célèbre à cette époque. Je partis pour Genève. M. Butini, jugeant d’un coup d’œil le mal désespéré et la catastrophe prochaine, se refusa, malgré