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et les grands services qu’il avait rendus à l’État. Cela aussi pouvait très bien se soutenir.

Quant à moi, j’avais un système que je tiens encore pour valable, mais qui n’était guère propre, j’en conviens aujourd’hui, à gagner des voix au pauvre accusé.

Je pensais, je pense encore, qu’un gouvernement, quand il est debout, et tant qu’il est debout, a le droit d’appeler à sa défense les lois, la force publique, les tribunaux, l’échafaud même dans les cas extrêmes ; que, s’il succombe, c’est à l’histoire, à l’histoire seule qu’il appartient de prononcer entre les vaincus et les vainqueurs ; de dire de quel côté étaient le bon droit, la justice, le véritable et légitime intérêt du pays ; si les vainqueurs ont été des rebelles ou des libérateurs. Je pensais, je pense encore, que, si le cours du temps, ou le concours des événements remet sur pied le gouvernement renversé, celui-ci n’a plus aucun droit de revenir sur le passé, de rechercher ses anciens adversaires pour des faits antérieurs à son rétablissement. Frapper en pareil cas, ce n’est plus se défendre, c’est se venger et choisir ses victimes, en raison, non du crime même, mais de telle ou telle circonstance ; c’est faire pis que décimer, car,