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une liaison longtemps interrompue. Je l’aimais et l’admirais beaucoup ; j’entrais, à plein cœur, dans ses sentiments, ce qui me rendait un peu plus libéral que madame de Staël ne le désirait, et me donnait, dans le monde, la réputation d’ennemi de la maison de Bourbon ; il n’en était rien, du moins, de ma part, et pas encore de la sienne ; non seulement, en effet, il ne fut pour rien dans le 20 mars, il n’était pas bonapartiste, mais il ne fut pour rien dans le complot que Fouché, le comte d’Erlon, Lefebvre-Desnouettes et les frères Lallemand dirigeaient en sens opposé au 20 mars.

N’écrivant point de l’histoire, je ne fais pas non plus de portraits. Celui de M. de la Fayette a d’ailleurs été tracé de main de maître par M. Guizot ; je n’y vois rien à reprendre, sinon que le singulier mélange de l’aristocrate et du démagogue n’y ressort peut-être pas assez en saillie. Il fallait aimer M. de la Fayette pour lui-même, ce qui, du reste, était facile, car on ne gagnait rien à être de ses vrais amis ; il ne faisait guère de différence entre un honnête homme et un vaurien, entre un homme d’esprit et un sot ; il ne faisait de différence qu’entre celui qui lui disait et celui qui ne lui disait pas ce qu’il disait lui-même. C’était un