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timidité fut pour beaucoup dans mon silence, et, comme il arrive presque toujours, l’amour-propre pour beaucoup dans la timidité.

J’avais, d’ailleurs, autre chose à penser et meilleure excuse.

C’était le moment où se préparait le grand événement de ma vie, celui qui a décidé de ma destinée pour ce monde et, je l’espère, pour un monde meilleur.

Madame de Staël, exilée dix ans par l’empereur, échappée péniblement à sa tyrannie en traversant toute l’Europe, de Genève à Moscou, de Moscou à Stockholm, reçue triomphalement en Angleterre, était rentrée en France peu après le retour de Louis XVIII ; elle y était entrée accompagnée de son fils, de sa fille, de M. Rocca, son second mari, et de Wilhelm Schlegel, à cette époque l’une des gloires de la littérature allemande.

Elle avait été fort liée avec ma mère, ainsi que je l’ai déjà rappelé plus d’une fois. Enfant, je l’avais connue, je ne tardai pas à lui être présenté.

Tout est dit désormais sur madame de Staël.

Pleine justice lui est rendue ; les hommes éclairés, les hommes honnêtes de tous les partis, ce chœur des gens de bien et de bon sens qui devance