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être remarqué par personne, et je sortis de même. C’était un pauvre spectacle. On m’a raconté que M. de la Fayette s’y était présenté le matin même dans un dessein patriotique ; à coup sûr, il ne serait ni permis ni possible de lui en supposer un autre ; que, revêtu de son ancien uniforme d’officier général, il avait été pris pour un ancien émigré, accueilli à bras ouverts comme tel, et qu’ayant décliné son nom, M. le comte d’Artois était resté stupéfait, sans mot dire, au milieu d’un auditoire indigné et consterné. Je ne sais si l’anecdote est vraie ; M. de la Fayette ne m’en a jamais parlé, et je ne conçois pas pourquoi je ne lui en ai pas parlé moi-même.

Vint l’entrée de Louis XVIII, entouré des siens, escorté par les généraux et les maréchaux de l’Empire. J’assistai en simple curieux à la marche du cortège, je le suivis de rue en rue, de boulevard en boulevard, jusqu’à son entrée aux Tuileries. Je ne crains pas de me tromper en affirmant qu’il y avait là deux courants bien distincts ; l’un, et c’était de beaucoup le plus considérable, composé de gens à peu près comme moi, curieux, tristes et résignés ; l’autre, composé de royalistes ardents, en nombre limité, mais bruyants et démonstratifs ;