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du poète Parny dans le sein de l’Académie française, qui tenait alors ses séances au Louvre, entre les deux guichets qui ouvrent sur le Carrousel, et où depuis on a placé l’Orangerie. C’était Garat qui recevait Parny, et je l’avais entendu avec un inexprimable dégoût faire l’éloge du poème infâme qui déshonorait les œuvres du récipiendaire. C’était pourtant, au fond, un homme qui ne manquait ni d’honnêteté ni d’esprit ; je l’ai mieux connu un peu plus tard, mais j’ai toujours conservé sur lui mes premières impressions.

Ce fut dans l’un de ces dîners que j’eus occasion de mettre à profit la petite instruction que je tenais du bon vieux prince Czartoryski.

— Vous arrivez d’Allemagne, me dit tout à coup l’un des convives ; c’était, je crois Ginguené ; la philosophie y fait, en ce moment, autant de bruit que le canon, ou plutôt c’est elle qui met le feu au canon, qui soulève, contre nous, les écoles, et enrégimente les écoliers. Cette philosophie-là, qu’enseigne-t-elle ? Est-ce encore celle que nous expliquait, il y a quelques années, M. Villers, et à laquelle nous ne comprenions pas grand’chose.

– J’ai lu récemment, ajouta Garat, un gros livre de Kant traduit en latin, auquel je n’ai rien