coup d’esprit et de douceur. Il aimait à s’entretenir avec ses auditeurs à l’issue de la leçon. M. Desrenaude était son ami ; je fis connaissance avec lui et j’allai souvent le visiter dans son ermitage philosophique. Peu à peu, je fus admis par les deux amis à une plus grande intimité. Leur usage, dans la belle saison, était de sortir vers trois ou quatre heures du soir, une ou deux fois par semaine, de se promener dans les environs de Paris, et de dîner ensemble dans quelque guinguette. Ils cheminaient, d’ordinaire, avec d’autres amis Garat, Daunou, Ginguené ; le dîner se prolongeait assez tard ; on causait à cœur ouvert de philosophie, de littérature, et même un peu de politique. Je fus admis à plusieurs de ces dîners champêtres. J’assistai aux vives altercations de Garat et de Laromiguière ; l’un défendait avec ardeur le pur condillacisme, l’autre introduisait avec finesse ses distinctions timides. Il va sans dire que j’étais pour Laromiguière ; il avait mille fois raison, quoiqu’il n’eût raison qu’à demi. Garat était rogue, impérieux, irascible ; il me déplaisait souverainement. J’avais, d’ailleurs, contre lui un fond de rancune. Quelque dix années auparavant, lorsque j’entrais à peine dans le monde, j’avais assisté à la réception
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