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belle nuit d’été, elle ferme sa ceinture de tours, selon l’expression singulièrement heureuse de Victor Hugo, elle reporte la pensée bien en arrière du temps où nous vivons.

En visitant avec le général en chef et plus tard avec l’intendant général la prison de Pampelune, j’y contemplai, dans toute son horreur, notre loi des suspects et notre loi des otages en pleine activité. On y voyait entassés, pêle-mêle, dans les plus affreux cachots, dans les bouges les plus infects, les pères, mères, maris, femmes, enfants, de ceux que nous nommions des brigands, parce qu’ils résistaient au sceptre paternel du roi Joseph, et des contribuables qui refusaient d’obéir à nos exactions. Ces pauvres gens pleuraient toutes les larmes de leurs yeux, et tremblaient de tous leurs membres à notre aspect ; ce n’était pas sans motif, car le bruit courait parmi eux que les généraux français ne se faisaient aucun scrupule de les pendre, quelquefois, pour le bon exemple. On citait à ce sujet un général Abbé, que je n’ai jamais connu, et qui ne figurait point dans notre armée. Je ne crois pas, s’il existe, qu’il ait rien fait de ce qu’on lui imputait : les calomnies réciproques étaient fréquentes, en Espagne, à cette époque ; mais il faut convenir aussi que tout y