que celles que nous trouvons chez les peuplades sauvages qui restent immobiles dans leur fétichisme et leurs superstitions. On peut même se demander si le germe seul de telles idées était suffisant, et si les grandes civilisations antiques ne sont pas une objection victorieuse contre la théorie du progrès continu.
Avant de quitter la paléontologie, je ne puis résister au désir de citer un fait qui indique combien sont douteux les résultats de cette science. On a trouvé, il y a trente ans environ, aux environs de Neanderthal, un crâne humain d’une forme étrange, placé près d’une dent d’ours ; le crâne était d’ailleurs incomplet, la face manquait. Sur ce fait on a édifiéo une théorie, le crâne de Neanderthal est devenu le type d’une race. C’était une race inférieure, une race simienne, c’était déjà presque l’anthropoïde cherché comme intermédiaire entre l’homme et le singe. Des volumes nombreux ont été écrits sur cette race et sur les conséquences de la découverte de ce crâne unique. Mais voilà que tout d’un coup une objection s’est produite. Un médecin aliéniste allemand, le docteur Emmayer, a permis d’examiner et de mesurer son propre crâne qui présentait une forme inaccoutumée[1]. Il s’est trouvé que le crâne du docteur était absolument semblable à celui du prétendu anthropoïde. La race de Neanderthal a disparu, pour se fondre dans une autre, mais il n’est pas probable que cet échec décourage les chercheurs d’anthropoïdes.
Par cet argument personnel si singulier, le docteur Emmayer n’a fait d’ailleurs que rappeler les paléontologistes au bon sens et à la vraie méthode expérimentale. Que l’on puisse tirer des conséquences ethnologiques de la mesure des crânes, cela se comprend, pourvu qu’il s’agisse de moyennes résultant d’un grand nombre de mesures particulières. Mais quel est celui qui n’a pas vu, parmi ses compatriotes et ses contemporains, des formes de tête tout à fait étranges, qui n’ont aucun rapport avec celles des hommes qui les entourent. Ce seraient cependant, d’après la singulière méthode de certains savants, les types d’autant de races distinctes. Mais revenons à notre homme primitif. L’argument paléontologique étant écarté, restent ceux qui sont tirés, non plus des époques rigoureusement antéhistoriques, mais des plus anciens temps que l’histoire fait connaître.
Ici on nous montre des coutumes barbares, le cannibalisme, les sacrifices humains, l’infanticide, la polygamie ou même des désordres de mœurs plus graves, la guerre civile, le pillage continuel entre tribus voisines, l’esclavage absolu et ses cruautés, comme
- ↑ Quatrefages, Hommes fossiles hommes sauvages, p. 33.