politique. Les mêmes contradictions se montrent en général dans les récits des voyageurs, relativement aux peuples sauvages. Elles sont d’ailleurs faciles à expliquer. Il est très difficile de connaître les mœurs des sauvages, et surtout leurs croyances et leurs notions morales, lorsqu’on les aborde pour la première fois. Leur défiance envers les étrangers les empêche de communiquer leurs pensées. D’autre part, lorsque les peuples sauvages sont depuis un certain temps en contact avec les Européens. lorsque leur langage peut être interprété d’une manière suffisante, les sauvages ont déjà perdu leurs anciennes mœurs. Ils ont subi déjà l’influence, soit de la religion qu’on leur a apportée, soit des vices des peuples civilisés. C’est un fait généralement constaté que les sauvages se corrompent très vite au contact des Européens ; d’ailleurs un grand nombre des Européens, qui font le commerce avec les sauvages, ont une moralité inférieure même à celle des cannibales.
Cette raison n’est pas la seule qui rende l’appréciation de l’état moral des sauvages très difficile. Il en est une autre plus importante encore. Il faut distinguer dans les peuples civilisés les doctrines morales et les mœurs pratiques qui en sont souvent très différentes. Chez les peuples qui ont subi l’influence de l’Évangile, les doctrines morales, même celles qui ne prétendent pas à une austérité exceptionnelle, sont toujours dans un certain accord avec la règle religieuse. Cette règle présente un idéal mal réalisé, mais généralement connu et apprécié. Il en est de même, avec toute la différence des deux lois religieuses, chez les peuples musulmans. On peut aussi admettre, bien que dans une mesure plus restreinte, que partout où des écoles philosophiques puissantes comme celles de Platon ou du Portique ont répandu des doctrines morales, ces doctrines subsistent dans la pensée générale des hommes éclairés, quelle que soit d’ailleurs leur conduite privée. Ces doctrines ont pu former en Grèce et à Rome une sorte de code moral des gens éclairés. À défaut de la philosophie proprement dite, une littérature noble, pénétrée du sentiment du beau, présentant sous la forme poétique ou dramatique les luttes de la vertu contre la passion, peut constituer aussi un idéal moral supérieur, présent à beaucoup d’esprits. Telle a pu être en Grèce l’influence des écrits de Pindare, d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, voire même du conservateur Aristophane. Rien de tout cela n’existe chez les sauvages, ils n’ont ni religion ni enseignement religieux, ni philosophie ni littérature. Que peut-on donc trouver chez eux ? Des mœurs diverses selon les pays. des coutumes locales distinctes les unes des autres, les pratiques de certains peuples ou de certaines familles passées en usages ; en un mot, toutes les variétés et par conséquent toutes les