sources de la moralité dans l’état hypothétique d’un anthropoïde antérieur à l’existence de l’homme raisonnable et pensant. Il est permis, il est naturel de chercher cette origine dans la nature même de l’homme. Dès lors encore, les explications de cette origine tirées de l’instinct social et de l’hérédité, privées de l’appui du principe général de l’évolution, se trouvent réduites à leur force propre, et il devient aisé d’en démontrer la vanité et de leur substituer une autre explication plus conforme aux traditions et aux croyances du genre humain, et aux conditions d’existence des sociétés. Il importe donc, avant tout, pour l’impartialité même de la discussion, de traiter la question du rapport qui existe entre l’homme et l’animal, ou, pour nous servir de l’expression d’Aristote, entre l’animal raisonnable et l’animal dépourvu de raison.
La question que je veux traiter n’est pas précisément celle de l’origine historique de l’homme. Je ne vais pas me demander si le corps humain a été formé d’une matière inorganique, comme semble l’indiquer le texte de Moïse, ou si ce serait dans un organisme animal, formé par une évolution précédente, que l’âme humaine et ses facultés supérieures auraient commencé d’exister. Ce que je soutiens, c’est que l’homme est distinct de l’animal, quant à sa nature ; c’est qu’il y a dans l’homme un principe supérieur qui n’existe pas dans les animaux, C’est, par conséquent, que l’homme, s’il sortait de l’animal, n’en sortirait pas par un progrès graduel et par le développement de forces préexistantes, mais par une transformation brusque et par l’infusion d’un principe nouveau. Ce que je nie, c’est qu’il puisse y avoir continuité dans le passage de l’état d’animal à celui d’homme. Ce que je soutiens, c’est uniquement et exclusivement ceci, qu’entre l’homme et l’animal, il y a, au point de vue de la
raison, un intervalle que l’évolution graduelle ne saurait franchir, un abîme qu’elle ne saurait combler, une véritable rupture de continuité dans la série des êtres, rupture prouvée par les faits, et qu’aucune théorie n’a le droit de contester.
Un intervalle de ce genre, un passage brusque d’un ordre à un ordre supérieur existe déjà dans la nature. C’est le passage entre l’être inorganique et l’être doué de vie. Merveilleuses sont les transformations de la nature dépourvue de vie. L’électricité, la chaleur, les mystérieuses affinités des atomes, produisent, par leurs jeux variés, des phénomènes d’une diversité qui dépasse les prévisions de l’imagination, Mais il est un ordre supérieur de phénomènes que