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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

sonnait, mon père n’était pas encore revenu. Ma mère me fit coucher, elle restait et attendait. À 2 heures du matin, elle entendit un léger bruit, elle écouta plus attentivement, c’était mon père qui revenait en hâte nous dire adieu. Il y avait un mandat d’arrêt lancé contre lui (déjà préparé à l’avance), comme on l’avait vu à la manifestation, on supposait qu’il avait été arrêté avec les autres, à l’Hôtel de Ville ; ils n’avaient pas eu l’idée de venir le chercher à la maison.

« Où est la petite ? dit-il, je veux l’embrasser, fais-la lever. Tous nos amis sont arrêtés, Bassot aussi, il me faut quitter la France ; si je peux gagner la frontière, je serai sauvé, ne t’inquiète pas, dès que je serai en sûreté, je te ferai prévenir.

» Et toi, chérie, souviens-toi toute ta vie que c’est de la faute de cette canaille de Napoléon, si tu n’as plus de père, pour le moment du moins, courage, sois bonne avec ta mère, cela ne durera pas longtemps, Dieu ne peut permettre que le crime triomphe, ni que ce bandit reste sur le trône.

(Dieu le permit si bien, qu’il y resta 18 ans.)

» Et toi, femme, ne te désole pas, ça ne durera pas longtemps, je sais que le courage ne te fera pas défaut, tu as une grande tâche à remplir envers notre enfant. Je me suis arrangé pour que notre chère petite reste en pension chez M. Texier, j’ai payé six mois de pension pour elle, d’ici-là, nous verrons. Je suis allé chez notre notaire, je lui ai donné ordre de payer nos fournisseurs, tout compte réglé, il lui reste encore 3 000 francs que tu pourras tirer au gré de tes besoins,