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SIXIÈME PARTIE

Avant de quitter mon cher Paris, auquel j’ai tout sacrifié et pour lequel j’avais lutté, je voulus encore une fois visiter les tombes de mes enfants.

Au cimetière de la Chapelle, où mon fils aîné était enterré, rien n’était en désordre. Le lendemain je suis allée au cimetière de Montparnasse, quel désastre ! la terre était labourée, les tombes arrachées, piétinées ; le porte-couronne de la tombe de mon dernier fils était tordu et percé de plusieurs balles. J’ai retiré une couronne en perles à moitié brisée ; c’est tout ce qui me restait de ce que j’avais possédé, triste épave du passé. La tombe de notre petit adoptif était dans le même état. Il y avait eu des combats terribles dans ce cimetière.

Sans doute de malheureux fédérés auront voulu se réfugier là, pensant que leurs adversaires respecteraient les tombeaux, mais il n’en fut rien.

Enfin, le jour de mon départ arriva ; je fis mes adieux aux personnes qui avaient été bonnes pour moi, et le cœur meurtri, j’embrassai ma mère, laquelle pleurait amèrement.

Par prudence mes amis ne voulurent pas qu’elle m’accompagnât à la gare. Mlle Lefèvres et moi nous montâmes dans un fiacre et nous nous dirigeâmes vers la gare de l’Est où je devais prendre le train en partance pour Bâle. Mon amie m’installa dans un compartiment, elle me quitta au signal du départ. Quelques instants encore, elle me fit des signes amicaux, Paris disparut au loin ; bientôt il n’est plus qu’un point presque imperceptible.

Ce trajet me parut long et pénible, il y avait des