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SIXIÈME PARTIE

me rendre à Satory (de sinistre mémoire) ; il était bientôt 3 heures et demie.

Je suivis la direction indiquée. À cette place il y a des sentinelles qui se promènent de long en large, il était tard, les visites s’abrégeaient, je regarde au loin, je crois reconnaître mon mari qui interrogeait l’espace, il commençait à être inquiet. Il n’était pas encore revêtu de son costume de prisonnier ; sans être brillant, il était très soigneux et très propre. Il avait toujours porté son pantalon bleu, le même qu’il avait à Passy lors de son arrestation ; mais comme sur les pontons, ils n’avaient pas de chaises, ils s’asseyaient en tailleur, ou se mettaient à genoux, cette pose était sans doute celle qu’il préférait, car il avait la place des genoux de son pantalon presque blanche, mais sans tache.

Lorsqu’il m’aperçut, il accourut à ma rencontre, il pleurait de joie. « Comme j’avais peur que tu ne viennes pas ; depuis 2 heures je te guettais, je commençais à ne plus espérer. » (Ce fut notre dernière entrevue jusqu’au 18 février 1874.)