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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

siens, mais il y avait toujours un officier supérieur de gendarmerie qui faisait arrêter les suspects. Or un jour le mari de cette femme voulut passer et il fut arrêté, quoiqu’il n’eut pas pris part aux évènements. Cette femme désolée vint nous faire part de son chagrin ; elle fit toutes les démarches possibles pour que son mari fût mis en liberté, tout fut inutile. Elle retourna encore une fois au secteur, il lui fut répondu, que son mari était parti le matin avec un convoi de prisonniers, qu’elle pouvait se rassurer, qu’il serait jugé et que s’il n’avait rien fait, il lui serait rendu. Elle vint furieuse nous reprocher de rester là cachés, pendant que son mari, qui n’avait rien fait, était expédié.

— Ce n’est pas juste, s’il y a un bon Dieu, il ne doit pas permettre de pareilles choses.

On voulait lui faire entendre raison, peine inutile. Nous lui disions :

— Notre arrestation ne fera aucun bien à votre mari ; à quoi bon nous faire du mal ?

Ce fut en vain. Dans la soirée elle revint, aussi extravagante que dans la matinée.

Assurément cette femme-là nous perdra, nous ne pouvons plus rester ici, disais-je à mes amis ; si nous sommes pris, notre bienfaiteur sera perdu, fusillé, la chose est certaine, pour nous avoir donné asile. Notre devoir est de partir, mais où aller ? Qu’allons-nous faire ?

Quand le quartier semblait plus calme, à onze heures du soir, nous prîmes une résolution et nous partîmes. isolément comme des voleurs. Notre pauvre vieux allait rester seul, son fils était aussi compromis