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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

saisie par une main assez forte qui me pousse dans le couloir d’une maison, en même temps une voix me murmure : « Taisez-vous. » On m’introduisit dans une chambre à demi-obscure, au rez-de-chaussée, où je retrouve quatre des nôtres qui avaient pu s’y réfugier. Alors j’ai compris. Parmi eux se trouvait un des nôtres, le fils du brave homme qui voulait bien m’accueillir et nous offrir l’hospitalité, à ses risque et péril.

C’était un ancien marin en retraite, jouissant d’une assez bonne réputation dans le quartier, il était beau parleur et très familier avec les troupiers ; avec son air de bonhomie il leur inspirait confiance, par ce moyen il savait beaucoup de choses qui se passaient ; il était fin diplomate notre amphitryon, il nous mettait au courant du mouvement du quartier.

Un jour je lui dis :

— Mais vous leur montez le coup et s’ils s’en aperçoivent, gare !

— On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, me répondit-il.

Ce bon père sauvait son fils, ainsi que les camarades qui ont pu s’enfuir au moment du sauve-qui-peut où ils étaient cernés aux baraquements.

Le logement de ce bon vieux se composait de trois pièces humides et noires ; il se tenait dans la pièce d’entrée, les camarades s’étaient blottis dans la pièce du fond, et moi dans la pièce du centre ; nous étions à l’abri, mais tout nous manquait, il n’y avait pas de lit ; une table, trois chaises pour tout ameublement. On me