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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

— Ma mère, où est-elle enfin ?

— Je n’en sais rien, morte peut-être. Je vous aimais bien, mais pourquoi n’êtes vous pas morte pendant la révolution, ça aurait été mieux.

C’est tout ce que j’ai pu obtenir.

— Eh bien ! J’irai chez moi.

— Ne faites pas ça, chez vous, vous ne pouvez pas y aller, votre logement est occupé militairement, on a défoncé votre porte, on a mis des planches à la place, on a posé les scellés et ménagé une ouverture pour le service. Les soldats couchent dans votre chambre, on a dit des choses si horribles de vous, que lorsque votre chambre fut prise, avant d’y pénétrer, ils ont fait une visite sur le toit, le fusil à la main au cas où vous y seriez. Allez-vous-en, je vous en prie. Je vous dis tout ce que sais ; ne revenez jamais dans le quartier, ce serait un malheur pour vous.

Vraiment, je pensais que tous ces gens étaient devenus fous.

— Je n’y comprends rien, je n’ai fait de mal à personne. Pourquoi tout cela ?

— Partez ! je vous en prie.

J’avais le cœur serré ; en sortant de chez elle je me dirige vers la maison où j’habitais, rue de Lille. Sauf la nôtre, toutes les maisons du côté droit dans la direction de la rue du Bac étaient à moitié brûlées, les murs s’écroulaient, il y avait partout des cicatrices profondes.

Que me fallait-il faire ? « Eh bien, me disais-je, puisque tout est fini pour moi, car sans doute ma mère est