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CINQUIÈME PARTIE

défense, il y a une confusion aux barricades, les fédérés deviennent de moins en moins nombreux ; la journée est très agitée, pourtant place de la Mairie il y a une grande animation, beaucoup de morts sont placés dans la cour du bâtiment, des femmes, des mères, des enfants viennent fouiller dans le tas de cadavres, cherchant à découvrir un des leurs. Des femmes sanglotent, des enfants appellent leur père, il est difficile de reconnaitre les siens.

Dans la soirée nous avions élu domicile à une barricade dans le haut de la rue de Belleville, deux des nôtres faillirent être victimes des Versaillais ; par erreur ils avaient sauté dans une barricade voisine de la nôtre, quand ils s’aperçurent qu’il y avait des lignards, ils n’eurent que le temps de sauter à nouveau, et de revenir près de nous ; heureusement qu’il faisait sombre.

Nous quittâmes notre barricade et nous remontâmes la rue, nous dirigeant vers la rue Haxo. Chemin faisant, nous rencontrâmes une dizaine des nôtres que nous n’avions pas revus depuis Passy, nous étions contents de nous retrouver ; ils étaient heureux de revoir notre drapeau, seulement ils paraissaient douter de nous, parce qu’ils ne nous avaient pas revus, nous leur avons expliqué ce qui était arrivé, nos tourments et nos luttes ; quoique séparés, chacun de nous avait fait son devoir.

Nous avions faim, il me restait encore un peu d’argent sur les 20 francs que l’on m’avait donnés à la Bastille, je propose aux amis de demander à une