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CINQUIÈME PARTIE

enfants et les vieillards étaient épouvantés. On tirait sur Belleville à boulet rouge ; on disait des choses horribles sur les atrocités commises par les Versaillais, plusieurs insurgés avaient pu s’échapper de cette fournaise. Cette fois nous étions à la porte de l’enfer !

Il y avait une ambulance à la salle de concerts, j’y suis entrée, il y avait encore pas mal de blessés, dont on préparait le déménagement, on racontait que les blessés de l’ambulance de St-Sulpice avaient été tous massacrés, avec le personnel et que le docteur Faneau qui voulait protéger son ambulance avait aussi été tué.

La rue de Belleville avait un aspect sinistre, de pauvres enfants pâles à l’air maladif erraient çà et là ; de pauvres êtres réchappés du siège qui avaient traîné bravement leurs misères, espérant des jours meilleurs. En récompense de leurs souffrances, M. Thiers, le premier représentant de la patrie, leur préparait une hécatombe qui aurait fait envie aux barbaries du moyen-âge, et qui a de beaucoup dépassé les horreurs de la Sainte-Barthélemy.

Nous quittâmes l’ambulance et nous remontâmes la rue, plusieurs maisons brûlaient ; ce quartier avait été affreusement bombardé, les obus avaient mis le feu aux maisons par les toits. Les habitants de ces rues n’avaient pas d’intérêt à l’incendie, comme l’ont prétendu tant de journalistes d’une certaine presse. Jusqu’à la dernière minute le peuple espérait toujours qu’il serait vainqueur, quel intérêt aurait-il eu à brûler les maisons dans lesquelles il habitait ?

Lorsqu’en passant nous vîmes au coin de la rue de