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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

du Petit St-Thomas ; mon seul crime était d’avoir passé sous les fenêtres closes du magasin, lesquelles m’intéressaient peu.

Je n’avais qu’une idée, celle d’être utile et aider à sauver la République.

Dans l’après midi, nous arrivâmes prendre nos positions, boulevard Beaumarchais No 3. Dans cette maison tous les habitants étaient terrifiés ; des vieillards, des enfants étaient descendus dans les caves. Cela faisait pitié de les entendre. Tout le monde a été bienveillant pour nous. Dès notre arrivée, on a mis à notre disposition autant de matelas qu’il était nécessaire pour passer la nuit.

Nous nous installâmes dans le vestibule de l’immeuble. Nous avons été bienveillants avec les habitants de cette maison. Nous leur avons juré que rien ne serait tenté contre eux, si on ne nous faisait aucun mal, promesse qui fut tenue. Il y avait une pauvre vieille femme de 83 ans qui ne se sentait en sûreté que lorsque j’étais auprès d’elle.

Nous n’étions plus qu’un très petit nombre de Défenseurs de la République. La plupart des nôtres avaient été arrêtés à la prise de Passy, d’autres grièvement blessés, avaient été massacrés dans les ambulances. Les soldats de l’armée de Versailles se ruèrent comme des brutes sur leurs frères, les fédérés ; au premier moment ils étaient tous ivres du carnage. Nous savions que nous étions vaincus, nous étions décidés à mourir pour notre cause jusqu’au dernier, la vie était si peu de chose dans ces moments-là, pour