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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

La vie d’un homme est sacrée, chacun a le droit et le devoir de la défendre.

De la rue du Bac nous nous sommes dirigés par hasard du côté du Carrefour de la Croix-Rouge, nous cherchions nos amis, nos ambulances. Il s’y était passé des choses terribles, des pans de murs tenant à peine étaient à demi-brûlés. Nous étions à mille lieues de penser à un tel désastre. La place était absolument déserte.

Nous ne nous sommes pas attardés, nous sommes redescendus du côté de la Seine, nous avons pris le Pont St-Michel. Nous sommes allés à l’Hôtel de Ville. Nous avons demandé si l’on avait vu des défenseurs de la République. Il nous fut répondu que notre général occupait la place Vendôme, et qu’assurément nous en trouverions quelques-uns qui avaient pu s’échapper de Passy.

Nous y sommes allés ; en effet il s’en trouvait une vingtaine. Dombrowsky était bien triste et bien découragé. Il nous donna l’ordre d’être à la Place le lendemain, à 5 heures du matin.

Quelques heures plus tard, il était arrêté, des bruits de trahison avaient circulé sur son compte. En vérité voici ce qui s’était passé. Les défenseurs ne pensaient pas que la situation fût enlevée aussi vite. Vers les deux heures, il y eut une panique, on chercha Dombrowsky, on ne le trouva pas, quoique peu de temps avant il fût à son poste. Voyant que rien n’était à craindre, il était allé manger au Cours la Reine. Le malheur voulut que ce fut à un mauvais moment. Il est difficile de combattre et de ne jamais manger.