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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

ce jour-là, 17 corbillards à la file. Nous retrouvâmes dans la salle qui servait d’amphithéâtre, cinq des nôtres qui n’avaient pas été reconnus. Le capitaine Letoux et moi, nous nous mîmes en devoir de faire leur toilette et de les envelopper dans un drap, les amis les déposèrent dans la bière ; à la sortie du parvis chaque corbillard était orné de drapeaux rouges, un drap rouge couvrait le cercueil. Le drapeau des défenseurs de la République suivait le cortège, il y avait des morts de plusieurs sections ; celles-ci avaient aussi leurs drapeaux.

Le parcours et le défilé fut long. C’était vraiment imposant, partout sur notre passage et à toutes les fenêtres se montraient des figures sympathiques, on nous jetait de l’argent pour les ambulances. On me jeta à moi-même plusieurs pièces de 2 et de 5 fr., même quelques pièces d’or enveloppées dans du papier. J’ai déposé le tout dans la caisse de secours aux blessés. Il y avait parmi nous plusieurs membres de la Commune qui s’étaient joints au cortège. Nous gravîmes la rue de Charonne jusqu’au Père Lachaise. Dans le cimetière plusieurs fossoyeurs creusaient une grande tranchée où l’on déposa toutes les victimes de M. Thiers et de ses suppôts.

Plusieurs discours furent prononcés, particulièrement par Ostyn, membre la Commune, délégué généralement dans de pareilles circonstances.

Dès que tout fut fini, nous sommes revenus à l’Hôtel de Ville ; de là nous avions l’intention de prendre le bateau qui devait nous conduire au Point du Jour,