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QUATRIÈME PARTIE

dans la chambre voisine ; il ne savait que faire, il était trop tard pour aller à l’hôtel. Le père nous présenta son ami ; nous lui offrîmes l’hospitalité, quoique ce fût en un bien malheureux moment ; il accepta et resta deux ou trois jours chez nous. Notre petit adoptif était couché dans la chambre voisine, nous le mîmes dans notre lit, pour donner sa place à notre nouvel hôte.

Ce cher petit, dont je ne connaissais que peu la famille, était un enfant élevé dans la foi catholique, le pauvre enfant, par instinct peut-être, à tout instant venait près du berceau et disait à ma mère : « Petit Gabriel dort dans ses beaux habits, il va aller au ciel, n’est-ce-pas ? Moi aussi, je veux partir avec lui. »

Le 14 mars, jour de l’enterrement, l’enfant pleura lorsqu’il vit le départ du cercueil, il voulait partir au ciel avec son petit ami Gabriel. (C’était le nom de mon fils.)

Pauvre enfant, huit jours plus tard c’était son tour. Il mourut après trois jours de maladie d’une érésipèle. Tous deux furent enterrés, non loin l’un de l’autre, dans une tranchée parallèle, au cimetière de Montparnasse.

À partir de ce jour une vie nouvelle allait commencer pour nous. D’autres évènements de plus en plus terribles allaient se produire.

Je sentis dans ma pensée le vide absolu de ces grandes phrases avec lesquelles on façonne le cerveau humain : Dieu ! Patrie ! République ! Tout cela ce ne sont que des mots creux, qui ne font qu’aggraver nos misères, et détruire la famille humaine !

J’ai besoin d’un autre idéal.