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QUATRIÈME PARTIE

peuple dans la soirée ; personne n’est venu, heureusement, car j’ai appris que la mobile et les Bretons ainsi que les différents corps occupaient toute l’avenue Victoria et tout le périmètre, mais pas visiblement. L’assistance publique était bondée de soldats, il en était ainsi de toutes les places publiques et les vastes cours et même les souterrains de l’Hôtel de Ville. Vraiment, si le peuple était venu, il aurait été massacré.

Je suis restée sur la place et ses environs, lorsque j’ai vu qu’il n’y avait rien, je suis rentrée chez moi. Le lendemain notre compagnie était très contente que tout se fût bien passé.

Le même jour défilent en débandade, sans musique, moroses, abattus, harassés, tout couverts de boue des soldats de toute arme et les compagnies de la Garde Nationale : « Eh bien ! vous ne chantez pas victoire ? » crient-ils, ils avaient encore le courage d’être ironiques.

Tout est fini, l’armée rentre ; des femmes anxieuses, assises sur un banc attendent, désespérées le retour de l’absent. Hélas combien attendent en vain.

Un grand nombre ne reviendront jamais, ils sont enfouis dans la terre glacée, sous la neige. La femme n’a plus même l’espérance. Les enfants ont froid et faim, la pauvre mère rentre seule au logis glacé et désert, elle ne peut plus compter que sur elle-même désormais. Que vont-ils devenir ?

Qu’est-ce que la patrie fera pour elle ?

23. Un silence de mort règne dans Paris, l’enthousiasme est tombé des visages, le rêve entrevu est évanoui, toutes les figures sont contractées par l’épou-