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QUATRIÈME PARTIE

Le soir du jour de l’an, nous avons bien dîné tous les quatre.

Nous pensions ma mère et moi, à toutes les horreurs que nous voyions tous les jours et à ce que je voyais dans mes sorties.

Nous pensions aussi à l’absent ; s’il vit, disions-nous, lui n’a peut-être pas à manger ; cela nous rendait malheureuses.

Notre lapin était énorme, j’eus la pensée de le partager et d’en donner la moitié, c’est-à-dire la part de l’absent, à une pauvre famille de mon quartier qui a été bien heureuse.

Quelques jours plus tard, j’ai appris que ce lapin était un chat qui avait été acheté au marché de St-Germain, qu’il avait coûté 20 francs ; l’acquéreur l’avait fait préparer pour lui, mais comme il aimait les chats, par sentimentalisme il ne put se décider à le manger, et me l’envoya par son domestique ; c’est la seule fois que j’ai mangé du chat, et je l’ai trouvé très bon. Plusieurs jours après les enfants me demandaient encore du bon pin pin, c’est-à-dire du bon lapin.

4 janvier, le mont Valérien fait un vacarme effroyable, de tous côtés on entend le bruit du canon ; comme au reste, on s’y fait ; on va, on vient sans peur du danger ! Dans les rues on ne peut circuler sans être obligé de se garer, à tout instant, des personnes sont tuées ou blessées en passant ; je me souviens qu’un matin en revenant des bastions, ayant obtenu quelques heures pour aller chez moi, je faillis être