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QUATRIÈME PARTIE

nous étions séparés de la France et du monde entier.

L’angoisse morale n’est pas moindre que le besoin matériel de l’alimentation journalière, assurément cette situation était plus cruelle encore. On commençait à voir le vilain côté de la guerre.

Au Panthéon il y avait une grande tribune au-dessus de laquelle il y avait un écusson, représentant le navire de la ville de Paris, surmonté d’un faisceau de drapeaux, au sommet un drapeau noir, dans les plis funèbres les noms de Strasbourg, Toul, Châteaudun, flottait au gré du vent en signe de deuil ; au-dessus de l’estrade, une grande bande portant cette inscription : Citoyens, la patrie est en danger ; enrôlements volontaires des gardes nationaux. Une foule immense gravissait les marches de la tribune, des hommes allant se faire inscrire, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants.

Les femmes étaient remplies de courage et engageaient leurs maris à prendre les armes pour la défense de la patrie, on sentait une force électrique qui se dégageait. De grandes et généreuses choses pouvaient être accomplies, ces multiples dévouements étaient dignes des temps les plus héroïques de notre histoire.

Malgré tout, le peuple avait pour mot d’ordre : soyons calmes devant l’ennemi, pas de désunion.

Cette confiance magnifique qui transporte les montagnes et fait accomplir des prodiges, le gouvernement de Paris ne la possédait pas. Dès le commencement du siège le gouvernement avait dit que la défense était une héroïque folie.