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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

c’était un conte bleu, inventé par l’empire pour dêtourner l’opinion publique des affaires impériales.

Vers la fin de l’année on devait interpeller le gouvernement. Rochefort, pour avoir dit leur fait à la famille impériale et ses suppôts, fut provoqué en duel par le prince Pierre Bonaparte, lequel se raccommoda avec sa famille pour l’occasion. Rochefort reçut du prince une lettre, dont j’extrais ces lignes : « Si par hasard vous consentez à tirer les verrous protecteurs qui rendent votre honorable personne deux fois inviolable, vous ne me trouverez ni dans un palais, ni dans un château ; j’habite tout bonnement, 59, rue d’Auteuil, et je vous promets que, si vous vous présentez on ne vous dira pas que je n’y suis pas. »

Au reçu de cette lettre, il y eut réunion de comité de la Marseillaise, dont Rochefort était le rédacteur en chef.

Il fut décidé par le comité, que Rochefort enverrait un délégué au prince, pour lui proposer ses témoins, lui laissant le choix des armes. Victor Noir, jeune homme de vingt ans, fut désigné pour porter, non la parole, mais la missive qu’il devait remettre entre les mains du prince. Ce même jour, 10 janvier, j’étais malade, mon second fils venait de naître. Naturellement, je n’ai pu sortir.

Dans l’après-midi, j’entendis une grande effervescence dans la rue, les marchands de journaux criaient : « La grande nouvelle du jour : assassinat de Victor Noir, par le prince Pierre Bonaparte. » La surexcitation était à son comble.