Page:Brochard - De l’erreur, 2e éd., 1897.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
théorie de platon

suivant sa loi, il retrouve l’image fidèle de ces idées à la nature desquelles il participe. Le mouvement de la dialectique qui permet de se placer au cœur des choses est une allure naturelle à l’esprit qu’il s’agit seulement de distinguer et de régulariser.

Mais, si la pensée est à ce point la mesure de l’être, qu’il lui suffise d’être elle-même pour se trouver au sein de l’absolu, d’où vient qu’elle se trompe ? Si on accorde qu’elle s’égare une seule fois, quelle garantie reste-t-il à la science ? Et si on nie l’erreur comme Parménide niait le non-être, le sophiste est là qui guette l’occasion, et c’est la morale qui est en péril. Prouver l’existence de l’erreur contre ceux qui la nient, alors que l’erreur semble être la négation du principe sur lequel repose la science, voilà le problème que Platon est forcé de résoudre. Il ne l’aborde qu’avec le plus grand trouble[1]. L’insistance et la subtilité avec lesquelles il en signale les difficultés dans le Théétète[2] nous indique que le philosophe l’avait en quelque sorte retourné sous toutes ses faces et qu’il avait essayé toutes les issues pour sortir du cercle où il était enfermé. — La solution se trouve dans le Sophiste[3] : elle se rattache aux théories les plus abstraites et les plus hardies ; elle nous fait assister au plus puissant effort que le génie de Pla-

  1. Théét., 187, D.
  2. 187, D.
  3. 236, E ; 264, C.