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LES MYTHES DANS LA PHILOSOPHIE DE PLATON.

la beauté, ϰάλλος, et en troisième lieu l’intelligence et la vérité νοῦς καὶ ἀλήθεια (66, B) ; viennent ensuite les sciences et les opinions vraies. De même, dans la République (liv. VII, 517, C), nous voyons l’idée du Bien engendrer l’intelligence et la vérité : νοῦν ϰαὶ ἀλήθειαν παρασχομένη. Et ainsi se confirme par les textes les plus authentiques l’accord du Timée avec les autres dialogues. Ces exemples, auxquels il serait aisé d’en ajouter d’autres, suffisent à montrer comment la pensée philosophique de Platon, tout en restant fidèle à elle-même et d’accord avec ses principes essentiels, peut prendre, et peut-être doit prendre, dès qu’elle s’essaye à expliquer le monde sensible et le devenir — ce qui est après tout l’objet de toute philosophie — la forme d’un mythe. Le mythe se rattache ainsi par sa racine même au système, et il en fait vraiment partie intégrante. Enfin, si le philosophe grec fait une place dans sa doctrine à l’imagination et à la conjecture soutenues et contenues par la raison et la dialectique, il n’y a peut-être pas lieu de lui en faire un reproche, car de nos jours même la méthode la plus sévère n’interdit pas au savant de faire parfois des hypothèses et de risquer des inductions ou des conjectures qui, sans être des vérités définitives, passent cependant pour des vérités probables.