précision à la fin du Ve livre de la République, où l’opinion est représentée comme intermédiaire entre la science et l’ignorance, de même que le devenir est l’intermédiaire entre l’être et le non-être. On le voit non moins clairement dans la page si souvent citée de la fin du VIe livre de la République. Dans l’opinion, il distingue deux degrés : l’opinion vraie, δόξα ἀληθής, ὀρθὴ δόξα, et la fausse. Or il se trouve que l’opinion vraie a une grande valeur à ses yeux, et que, si jamais il ne la confond avec la science, du moins elle ne lui en paraît pas très éloignée. Il indique nettement dans le Banquet (202, A) en quoi l’opinion vraie diffère de la science, et la même distinction se trouve dans le Timée (51, D). Mais cette distinction faite, il considère l’opinion vraie comme très proche de la science. Elle en est l’équivalent toutes les fois que nous ne pouvons pas atteindre à la vraie science démonstrative. L’opinion vraie est sans doute, en un sens, toujours inférieure à la science, puisqu’elle est privée de la raison, et ressemble à ces statues de Dédale qui s’enfuient sans qu’on puisse les fixer (Ménon, 97, E). Mais, malgré cette infériorité, l’opinion vraie ici encore est placée tout auprès de la science. On le voit bien par la fin du Théétète où l’opinion vraie accompagne la définition ἀληθὴς δόξα μετὰ λόγου et est distinguée de la science. Mais il est aisé de voir par l’ensemble de la discussion qu’elle est fort au-dessus de la sensation dont il a été question antérieurement. À la fin du Philèbe (67, B), quand Platon énumère par ordre de dignité les divers éléments du Bien, il place les opinions vraies, ὀρθαὶ δόξαι, immédiatement après les sciences et sur le même rang. Nous retrouvons encore la même doctrine dans le Phèdre (265, C) et c’est même là qu’elle se retrouve avec le plus de netteté. Nous y voyons en effet les différents moyens à l’aide desquels on peut parvenir à l’opinion vraie. Tels sont l’inspiration poétique, la divination, le délire prophétique, l’amour. Il y a même des opinions vraies qui proviennent d’une origine plus basse. C’est ainsi que, dans le Timée (71, B), la large surface lisse du foie des animaux qui le fait ressembler à un miroir est considérée comme propre à représenter les images de l’avenir. Par suite, la partie inférieure du corps peut, à sa manière, participer à la vie divine et à la vérité. Enfin, dans le Ménon (97, B), Platon
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LES MYTHES DANS LA PHILOSOPHIE DE PLATON.