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L’ŒUVRE DE SOCRATE

sions, après le beau chapitre consacré à Socrate par Ed. Zeller et la très savante et profonde étude de M. Boutroux sur « Socrate, fondateur de la science morale », considérer comme acquis les trois points suivants :

1° Socrate a été le véritable fondateur de la science morale ; avant lui on peut bien trouver chez les poètes, chez les auteurs de sentences, chez les philosophes même, un certain nombre de maximes profondes et ingénieuses sur la vie ; on ne rencontre pas encore un corps de doctrine formant un tout, un système dont toutes les parties s’inspirent d’une idée commune et soient étroitement reliées entre elles. C’est sans doute pour répondre aux objections des sophistes et mettre les croyances traditionnelles à l’abri de leurs objections que Socrate a été amené à chercher des principes solides et à constituer une science qui donnât satisfaction à la fois aux exigences de la raison et aux vieilles traditions en ce qu’elles avaient de respectable et de nécessaire.

2° Cette science fondée par Socrate a uniquement pour objet la détermination des concepts, c’est-à-dire la formation d’idées générales obtenues par induction et déterminées par les procédés qu’on a si souvent décrits.

3° Les concepts qui sont selon Socrate l’objet de la science sont uniquement les concepts d’ordre pratique. Il faut écarter la thèse si brillamment soutenue par M. Fouillée, d’après laquelle Socrate aurait été un métaphysicien en même temps qu’un moraliste. Un témoignage d’Aristote ne laisse aucun doute à cet égard : Metaph.., , vi : « Σωϰράτους δὲ περὶ μὲν τὰ ἠθιϰὰ πραγματευομένου, περὶ δὲ τῆς ὅλης φύσεως οὐθέν ». Cf. De part. anim., I, 1. Socrate s’est toujours borné à l’étude des choses humaines. Le « γνῶθι σεαυτόν » doit être pris au pied de la lettre : c’est l’homme seul considéré dans ses actions et dans sa vie morale qui est l’objet de ses réflexions. Il s’agit maintenant de savoir jusqu’où il a poussé cette science et quels résultats il a obtenus.

La science telle que l’entend Socrate, ayant pour objet les concepts, doit nécessairement aboutir à des définitions, c’est ce qui est évident par soi-même et ce qui nous est expressément attesté à la fois par tous les témoignages. Xénophon nous dit que Socrate se proposait de déterminer l’essence de