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toujours, ni nécessairement : ils ne sont pas fonction l’un de l’autre.

Il n’y a pas, nous venons de le montrer, de croyances nécessaires. Y a-t-il du moins des idées ou plutôt des rapports entre les idées, qui s’imposent nécessairement à la pensée ? Voilà à quoi se réduit en dernière analyse la question du critérium. Les dogmatistes de tous les temps ont bien vu qu’il n’y a point de critérium s’il n’y a pas de nécessité, si l’esprit fait lui-même, et fait seul, la vérité, si rien n’est donné. Seulement, cette nécessité, ils ont cru la trouver dans le mode d’adhésion accordée à certaines idées, c’est-à-dire dans la certitude : or l’expérience démontre qu’une telle nécessité est illusoire. Exclue de l’adhésion, la nécessité se retrouve peut-être dans les synthèses mentales : à cette condition seulement on pourra dire qu’il y a un critérium de vérité.

D’abord, le principe de contradiction nous atteste qu’il y a des synthèses d’idées nécessaires. On peut, comme les Épicuriens, et bien d’autres, ne pas croire aux vérités mathématiques : mais il est impossible de penser, je veux dire de lier des idées, si l’on n’observe le principe de contradiction. Se soumettre à cette loi, voilà une nécessité à laquelle la pensée ne peut se soustraire sans se détruire. En ce sens, il y a un critérium, et nous pouvons déclarer que tout ce qui implique contradiction est faux.

Toutefois, ce n’est là encore qu’un critérium infaillible de l’erreur ; ou s’il peut servir à connaître quelque vérité, ce n’est jamais qu’une vérité dérivée et en fin de compte hypothétique. En mathématique et en logique les conséquences les plus rigoureusement déduites ne sont jamais vraies qu’en supposant vraies les prémisses d’où on les tire. Les stoïciens ont mieux que personne marqué le caractère des vérités de cet ordre : les majeures de leurs syllogismes ne sont jamais comme les nôtres, présentées à titre d’assertions catégoriques : ils diront toujours : Si Socrate est homme, il est mortel : or, etc. Il reste toujours à trouver le critérium, non de la vérité déduite, mais de la vérité réelle.

La vérité réelle est l’accord, non de nos idées entre elles, mais de nos idées avec les choses. Or, il y a une nécessité analogue à la précédente, mais empirique, qui nous empêche