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de son maître Descartes par exemple, l’étaient-elles pour lui ? Il faut en convenir : si c’est dans la plénitude de l’adhésion, ou du consentement, dans l’intensité de l’affirmation et l’ardeur de la croyance qu’on cherche la marque distinctive de l’évidence ou de la vérité, une telle marque n’existe pas. La force avec laquelle on affirme une chose ne sera jamais la preuve que cette chose est vraie. L’erreur serait trop facile à éviter, si entre la certitude et la croyance, il y avait une différence spécifique : ce qui fait justement la difficulté du problème, c’est l’impossibilité où nous sommes de faire cette distinction. La certitude ne peut être en fin de compte qu’une espèce de croyance.

Est-ce à dire qu’on doive renoncer à parler de certitude, et que dans ce genre appelé croyance, on ne doive pas regarder la certitude comme une espèce distincte, ayant sa différence propre ? La conséquence serait grave. Il ne nous paraît pas que M. Gayte, dans l’excellent et lumineux chapitre qu’il a consacré à cette question ait été suffisamment explicite : content d’avoir réduit la certitude à la croyance, il ne cherche pas s’il n’y a pas des croyances qui aient droit au titre de certitude.

La seule conclusion à tirer des considérations qui précèdent c’est que s’il y a un critérium de vérité, il faut renoncer à le trouver dans l’adhésion, ou de quelque nom qu’on veuille l’appeler, assentiment, acquiescement ou consentement. Il faut distinguer l’adhésion de l’idée à laquelle on adhère. Le sens commun et même les philosophes, ont quelque peine à faire cette distinction : l’analyse l’exige. Primitivement, l’esprit humain ne sépare pas les idées et les choses : il prend les idées pour des choses : il est naïvement, réaliste. De là, le principe si longtemps admis comme un axiome : On ne pense pas ce qui n’est pas. L’expérience, c’est-à-dire la découverte de l’erreur, ne tarde pas à prou�ver qu’il y a deux choses là où d’abord on n’en a vu qu’une seule : ainsi on distingue le sujet et l’objet. Cette première séparation accomplie, il en reste une seconde qui ne se fait que beaucoup plus tard : dans le sujet lui-même, il faut distinguer l’acte par lequel on croit de la chose ou plutôt de l’idée à laquelle on croit. Ces deux faits, ordinairement unis, ne le sont ni