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je ne les comprends pas ». Il est plus explicite encore dans la lettre à Oldenburg. « Ils ne me semblent pas parler un langage moins absurde que si on disait que le cercle a revêtu la forme du carré. » Enfin la lettre à Albert Burgh nous montre clairement les sentiments de Spinoza à l’égard des Églises. Toutefois, sans soutenir que Spinoza a professé aucune religion positive, il ne semble pas impossible qu’il ait admis la révélation comme un fait historique attesté par l’expérience et fondé sur une certitude morale. M. Couchoud, dans son livre « Benoît de Spinoza », a bien montré (ch. VI) comment, au temps de Spinoza, les préoccupations religieuses hantaient, en Hollande, toutes les intelligences. Spinoza ne paraît pas avoir échappé à l’esprit de son siècle. Il admet aussi la révélation, et en ce sens il est chrétien, mais en l’expliquant à sa manière. Il est à remarquer, en effet, que, même dans les deux lettres que nous venons de citer et où il prend surtout à partie les dogmes de l’Église romaine, il ne conteste pas la révélation chrétienne. Dans la lettre à Oldenburg, il fait une différence entre la superstition fondée sur l’ignorance et la religion fondée sur la sagesse. « Pour vous montrer, dit-il, encore plus ouvertement ma pensée sur le troisième point, je dis qu’il n’est pas absolument nécessaire de connaître le Christ selon la chair ; mais il en est tout autrement si on parle de ce Fils de Dieu, c’est-à-dire de cette éternelle sagesse de Dieu qui s’est manifestée en toutes choses, et principalement dans l’âme humaine, et, plus encore que partout ailleurs, dans Jésus-Christ. Sans cette sagesse nul ne peut parvenir à l’état de béatitude, puisque c’est elle seule qui nous enseigne ce que c’est que le vrai et le faux, le bien et le mal. Et comme cette sagesse, ainsi que je viens de le dire, s’est surtout manifestée par Jésus-Christ, ses disciples ont pu la prêcher telle qu’elle leur a été révélée par lui, et ils ont montré qu’ils pouvaient se glorifier d’être animés de l’esprit du Christ plus que tous les autres hommes. » De même ; dans la lettre à [