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PHILOSOPHIE ANCIENNE

autre esprit, quoique tout aussi rigoureuse ou, comme il dit, apodictique, que Chrysippe a prétendu constituer.

La théorie de la définition, celle du jugement, la préférence accordée aux syllogismes hypothétiques et disjonctifs, la forme de ces raisonnements, leur réduction à cinq types principaux, sans qu’il puisse être jamais question de figures, enfin la théorie des signes indicatifs, tels sont les principaux arguments qui prouvent l’irréductibilité de la logique stoïcienne à la logique aristotélique. L’idée de la loi est substituée à l’idée d’essence, la logique tout entière est fondée sur l’idée de séquence nécessaire. Une telle conception, surtout dans un système sensualiste, implique de toute évidence un fréquent recours à l’expérience. C’est pour cette raison et quelques autres encore que j’avais cru pouvoir rapprocher la logique des stoïciens de celle de Stuart Mill.

M. O. Hamelin, dans un article publié dans l’Année philosophique (dirigée par F. Pillon, douzième année, 1901 ; Paris, 1902), a repris la question à son point de vue, et a soutenu une interprétation de la logique stoïcienne différente de celle que j’en avais proposée.

M. Hamelin ne conteste pas le nominalisme des stoïciens ; il reconnaît qu’ils ont substitué l’idée de loi à celle d’essence, et il accorde, ce qui était après tout l’objet principal de notre travail, que, dans sa forme extérieure, dans son expression, telle que la fournit la théorie du jugement et du raisonnement, la logique stoïcienne diffère profondément de la logique d’Aristote fondée sur le principe de contradiction. La différence entre l’essence et la loi n’empêche pas qu’en dernière analyse l’une et l’autre expriment la même chose, et on pourrait une fois de plus adresser aux stoïciens ce reproche, si souvent formulé par les anciens contre leur morale, d’avoir innové dans les mots plutôt que dans les choses. Par suite le rapprochement que je m’étais cru autorisé à faire entre la logique des stoïciens et celle de Stuart Mill serait tout à fait extérieur et même sans exactitude, car, si elle était empirique, cette logique perdrait son caractère de nécessité et de rationalité que les stoïciens ont eu visiblement à cœur de maintenir. Ce n’est pas de Stuart Mill, c’est plutôt de Spinoza qu’il faudrait, si l’on voulait à toute