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LA LOGIQUE DES STOÏCIENS

ils tombent naturellement ». Dans la théorie du raisonnement, le principe formulé par Mill (Philos. of Ham., ch. XIX) : « le signe du signe est le signe de la chose signifiée » rappelle, même dans les mots, la doctrine stoïcienne des σημεῖα. Les stoïciens n’ont pas dit et ne pouvaient pas dire que les majeures des syllogismes ne sont que des registres d’expériences passées, des memoranda qui résument un grand nombre de faits observés : mais ils ont été amenés par la force des choses à donner dans leur doctrine une place distincte, et une grande place, à la théorie des signes qui est, sinon une théorie de l’induction, du moins une sorte de solution du problème de l’induction : et cette solution, ils ont bien vu, comme Mill, qu’elle doit précéder la théorie de la démonstration, dont elle est la condition. La logique stoïcienne tendait à devenir une logique inductive : elle s’est arrêtée en chemin : ce sont les épicuriens qui ont développé cette conséquence naturelle et peut-être nécessaire du sensualisme et du nominalisme.

Il ne faudrait pas pousser trop loin cette comparaison que nous ne faisons d’ailleurs ici qu’esquisser : il y a certainement de notables différences entre la logique de Mill et celle du Portique. Mais il n’est pas téméraire d’affirmer que les ressemblances l’emportent sur les différences. L’identité des principes, comme il fallait s’y attendre, a engendré la ressemblance des conclusions. Peut-être Mill a-t-il été plus conséquent avec lui-même en subordonnant résolument le syllogisme à l’induction et à l’expérience. Mais Chrysippe ne reprend-il pas l’avantage si on songe qu’il a laissé de côté toute considération de classes et de genres pour s’attacher uniquement à l’idée de succession nécessaire ou de loi ? Et si Stuart Mill avait connu la logique des stoïciens, qui sait s’il ne se serait pas enhardi à simplifier comme eux la théorie du syllogisme, à supprimer les distinctions de quantités, et s’il se fût donné tant de peine pour conserver, en les conciliant avec son point de vue nouveau, les anciennes distinctions et les formules mêmes du Moyen Âge ? Il n’est pas sûr qu’il ne soit pas tombé lui-même dans cette faute qu’il signale si ingénieusement, quand il dit (Syst. of Log., II, 2, 2) : « Il suffit souvent qu’une erreur qui semblait à jamais réfutée et