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PHILOSOPHIE ANCIENNE

ne pas penser à une autre logique avec laquelle elle présente des analogies qui sautent aux yeux : je veux dire la logique de Stuart Mill. À coup sûr, Mill ne s’est pas inspiré de Chrysippe : la rencontre, à un si grand intervalle de temps, entre ces deux grands esprits n’en est que plus remarquable et significative. Comme la logique du Portique, celle de Mill repose tout entière sur ce principe qu’on ne pense pas par concepts, que les idées générales ne sont que des noms, ou du moins qu’elles ne sont rien sans les noms. Mill aurait sans doute accepté la division stoïcienne entre le σημαῖνον et le σημαινόμενον. En définissant la logique la science de la preuve, Mill exprime la même idée qu’ont eue les stoïciens lorsqu’ils distinguaient les vérités immédiatement évidentes de celles qui sont connues indirectement à l’aide des signes ou preuves, et lorsqu’ils faisaient commencer la logique avec les propositions conditionnelles qui sont déjà, comme le dit Mill (Syst. of Log. I, 4, 3), de véritables inférences. Comme les stoïciens, il soutient que nos jugements portent, non sur des idées, mais sur des choses, sur des réalités individuelles et concrètes. Quand il remplace la compréhension et l’extension de l’ancienne logique par la connotation et la dénotation, s’il ne renonce pas radicalement, comme les stoïciens, à la distinction des classes et des genres, il se refuse du moins à les considérer comme se contenant, se convenant, ou se subordonnant les uns aux autres. Comme les stoïciens, et pour les mêmes raisons, Mill considère la définition comme toute nominale (Syst. of Log. I, 8, 5), comme exprimant les propriétés constantes, les marques distinctives des différents êtres ; il renonce à déterminer les essences et il abandonne les différences spécifiques : il énumère les propres (Syst. of Log. I, 8, 1) : « Homme est toute chose qui possède tels et tels attributs ; homme est toute chose qui possède corporéité, organisation, vie, raison, et certaines formes extérieures. » — Cf. Ibid. 7 : « Le philosophe choisira autant que possible les differentiae qui conduisent au plus grand nombre de propria importants : car ce sont les propria qui, mieux que les qualités plus obscures et plus cachées dont souvent ils dépendent donnent à une agglomération d’objets cet aspect général et le caractère d’ensemble qui désignent les groupes dans lesquels