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PHILOSOPHIE ANCIENNE

vraies même les propositions identiques, sous prétexte qu’une chose ne pouvant être contenue en elle-même, le sujet ne peut renfermer l’attribut qui lui est identique. Mais on peut interpréter autrement le texte de Sextus. Il s’agit probablement d’une réflexion qui lui est personnelle, d’une objection, ou d’une réduction à l’absurde qu’il oppose aux partisans de l’ἔμφασις en même temps qu’il expose leur doctrine : l’objection est bien dans sa manière habituelle, et l’emploi du mot l’ἴσως ; semble bien indiquer qu’il parle en son propre nom.

Si cette interprétation est exacte, l’ἔμφασις ne serait qu’une autre forme de la συνάρτησις, ou plutôt la συνάρτησις elle-même ne serait que ἔμφασις. Il y aurait συνάρτησις entre le sujet et l’attribut d’une proposition, l’antécédent et le conséquent d’un συνημμένον, non seulement lorsque le second serait identique au premier, mais lorsque le second serait contenu implicitement, δυνάμει, dans le premier, analytiquement, comme nous dirions aujourd’hui. Nous n’avons pas d’exemples, cités directement par les textes, de la συνάρτησις ainsi entendue. Peut-être cependant peut-on en trouver un dans le passage de Sextus (M. VIII, 254) : τὸ περιεχόμενον τῳ τοιούτῳ συνημμένῳ « εἰ καρδίαν τέτρωται οὗτος, ἀποθανεῖται οὗτος » : la blessure au cœur implique la mort, à peu près comme le triangle implique l’égalité des trois angles à deux droits : et cela directement, sans recours immédiat à l’expérience, de même que le signe est défini (P., II, 100) : ὅ μή συμπαρατηρηθὲν τῷ σημειωτῷ. En tout cas, le fait que Plutarque (De εἰ ap. Delph., p. 387) ne distingue pas la συνάρτησις et l’ἔμφασις, le fait aussi que Sextus lui-même, lorsque dans le π. μαθημ. (VIII, 117), il rencontre le même sujet, ne fait plus allusion à cette distinction, semblent indiquer qu’elle n’avait pas une très grande importance.

On peut donc croire que Chrysippe s’est prononcé pour la συνάρτησις entendue au sens large. Un συνημμένον est vrai quand le conséquent est implicitement contenu dans l’antécédent. Et nous savons qu’il y est implicitement contenu, soit lorsqu’il lui est identique, soit lorsque l’expérience, et surtout l’expérience accumulée, les θεωρήματα (Cic. De fato, VI, 11), nous l’a appris. Ainsi la cicatrice implique la blessure. Par là, Chrysippe pouvait admettre une partie des opinions de Diodore ; dire, par exemple, qu’il y a une συνάρτησις entre ces