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LA LOGIQUE DES STOÏCIENS

en soi, mais sans que nous puissions toujours la connaître. Par suite la nécessité qui lie l’antécédent et le conséquent d’un συνημμένον est une nécessité objective, impliquant un ordre universel de la nature, une loi qui la gouverne. Il ne s’agit pas ici, comme pour Philon, de la compatibilité et de l’incompatibilité des idées dans notre esprit, mais de la compatibilité et de l’incompatibilité des choses dans la nature. Une telle doctrine menait droit à la négation de toute liberté : et c’est pourquoi Chrysippe l’a combattue. Mais en laissant même de côté ce point de vue, le critérium de Diodore devait lui paraître insuffisant, puisque nous ne sommes pas juges de ce qui est possible et impossible : le critérium ne serait applicable que si la science était achevée, ou si nous étions des Dieux.

Quelle théorie Chrysippe a-t-il substituée à celle de Diodore ? C’est ce que les textes ne nous disent pas expressément. Mais il résulte du passage de Sextus (P., II, 111) que, pour trouver la pensée de Chrysippe, nous avons à choisir entre la συνάρτησις et ἔμφασις. La συνάρτησις, prise strictement, est un lien si étroit entre l’antécédent et le conséquent d’un συνημμένον que la contradictoire du second est incompatible avec le premier. Dès lors, les seuls συνημμένα vrais seront ceux qui sont composés de propositions identiques, comme s’il fait jour, il fait jour : καθ’ οὓς τὰ μὲν εἰρημένα συνημένα ἔσται μοχθηρά, ἐκεῖνο δὲ ἀληθές, εἰ ἡμέρα ἐστίν, ἡμερα ἐστίν.

On voit le chemin parcouru. Tout à l’heure, avec Diodore, la nécessité était dans les choses mêmes : à présent elle n’est plus que dans notre esprit. En langage moderne, toutes les propositions vraies étaient nécessaires a posteriori : pour les nouveaux stoïciens, il n’y a plus de vraies que les propositions analytiques, et même les propositions identiques.

Outre cette συνάρτησις ainsi entendue, Sextus nous parle, mais très brièvement et d’une façon assez obscure, de l’ἔμφασις : un συνημμένον est vrai lorsque le conséquent est contenu en puissance dans l’antécédent : οὗ τὸ λῆγον ἐν τῷ ἡγουμένῳ περιέχεται δυνάμει. Sextus ajoute : καθ’ οὕς τὸ εἰ ἡμέρα ἐστὶν, ἡμέρα ἐστὶν, καὶ πᾶν διφορούμενον ἀξίωμα συνημμένον ἴσως ψεῦδος ἔσται, αὐτὸ γὰρ ἐν ἑαυτῷ περιέχεσθαι ἀμήχανον, ce qui semblerait vouloir dire à première vue que des stoïciens, aussi intrépides dans leurs déductions que les Éléates eux-mêmes, refusaient de tenir pour