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LA MORALE DE PLATON

science, elle appartient en propre à la partie rationnelle de l’âme. En outre elle est unique comme son objet. Les diverses sciences ne sont que des formes inférieures de la science parfaite, qui est la dialectique, de même que les différents êtres qui composent le monde n’ont d’existence et d’intelligibilité que par leur participation à l’Idée du bien. Enfin il est rigoureusement vrai de dire que la science ainsi définie ne saurait être vaincue. Les réserves qu’il a fallu faire, quand il s’agissait de vertus inférieures fondées sur l’opinion, n’ont plus de raison d’être quand on parle de la science suprême. Il suffit donc de savoir le bien pour le faire, et Socrate avait raison de dire : personne n’est méchant volontairement.

Cette distinction de deux sortes de vertus, si nettement indiquée par Platon, fait penser tout naturellement à la distinction aristotélicienne des vertus pratiques ou éthiques et des vertus intellectuelles ou dianoétiques. Ici encore le disciple n’a eu qu’à achever, sans en modifier la partie essentielle, l’œuvre commencée par le maître. On peut néanmoins signaler entre les deux conceptions des différences qui sont toutes à l’avantage d’Aristote.

Il est plus exact, sans doute, de distinguer la vertu pratique de la vertu intellectuelle que de séparer la vertu intellectuelle de la vertu politique. Aristote fait aux vertus politiques et sociales, la justice et l’amitié, une place à part. Mais on a bien vu que, sous le nom de vertu politique, Platon désigne, comme Aristote, une disposition acquise par la partie irrationnelle de l’âme, et c’est le point important.

Il y a loin aussi de l’analyse si profonde et si exacte de la φρόνησις dans l’admirable VIe livre de l’Éthique à Nicomaque aux indications encore vagues et un peu confuses de Platon. Comparée à la première, cette théorie apparaît comme une ébauche encore imparfaite. Il est aisé, cependant, d’y reconnaître les premiers linéaments, le mouvement et la direction de la doctrine future. Ici encore le disciple n’a fait autre chose que perfectionner l’œuvre du maître. Tous deux admettent aussi, pour ce qui regarde la vertu la plus haute, les formules socratiques : la vertu peut s’enseigner, elle est une ; elle ne saurait être vaincue.

Si maintenant on considère les définitions que les deux