Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

ment et du repos, car ce qu’on affirme en commun du mouvement ou du repos ne saurait se confondre avec l’un d’eux sans que tous deux devinssent identiques. De même l’être diffère du même, car s’il se confondait avec lui, le mouvement qui participe de l’être se confondrait avec le même, ce qu’on vient de montrer impossible. Enfin l’être diffère de l’autre, car l’autre est une Idée essentiellement relative : si on proclamait l’identité de l’être et de l’autre il s’ensuivrait que rien n’est jamais en soi ou qu’il n’y a point d’être (254, E ; 255, B). Seulement il faut ajouter que l’autre se trouve répandu en toute chose, chaque être étant autre que les autres (255, B). Quoique l’être ne soit jamais autre par sa nature, il l’est toujours par le fait qu’un être est distinct d’un autre, si bien que l’Idée de l’autre a autant d’étendue que l’Idée de l’être. Il y a donc bien cinq genres irréductibles et il ne saurait y en avoir moins.

On remarquera que le nerf de cette argumentation est l’irréductibilité du mouvement au repos. Bien loin donc, comme on l’a dit quelquefois, de déduire les cinq premiers genres ou de les faire sortir de l’idée de l’être, Platon les pose dès le début comme essentiellement différents les uns des autres. De cette distinction des genres entre eux résulte une importante conséquence : c’est que malgré l’union ou la participation dont nous avons tant de fois parlé, chacun d’eux renferme un élément d’opposition et d’altérité ; par suite ils présentent tous des caractères opposés. Chacun d’eux est en lui-même et participe de son contraire, sauf le mouvement et le repos ; en effet, le mouvement est autre que le repos, Platon l’a déjà plusieurs fois affirmé. Participe-t-il aussi du repos ? Il y a ici un passage assez embarrassant pour que Schleiermacher ait cru que le texte de Platon était incomplet, et il n’a pas hésité à ajouter quelques lignes pour rétablir le véritable sens. Cette correction n’est peut-être pas indispensable ; mais il faut avouer qu’il y a dans la formule de Platon une ellipse assez forte. « Si, dit-il, le mouvement participait au repos et le repos au mouvement, nous ne devrions pas plus nous faire scrupule à dire qu’il y a un mouvement stable et un repos mouvant que nous n’hésiterons tout à l’heure à dire que le mouvement est à la fois et qu’il n’est