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LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

Nous allons essayer de prouver qu’en même temps qu’il présente un exercice dialectique, Parménide formule une objection très grave contre la théorie de la participation. Déjà l’énoncé de l’alternative posée par lui : Si l’un est, si l’un n’est pas, indique qu’il s’agit de la participation ; car l’existence de l’un semble indiquer sa participation à l’être, et sa non-existence, sa non-participation. Toutefois cet énoncé est encore trop général, et ainsi qu’il résulte du passage que nous venons de citer, ce n’est pas la même chose de dire : l’un est, l’un participe à l’être ; et l’un n’est pas, ne participe pas à l’être. En effet, en disant simplement l’un est ou n’est pas, on peut être attentif seulement à l’un sans penser à l’être ; c’est comme si on disait : l’un un, et le non-un, non-un. Au contraire on peut, en se servant des mêmes formules, tenir compte de l’être et du non-être, car nous verrons que l’un, tout en n’étant pas, peut d’une certaine manière cependant participer à l’être. Dans le premier cas on supprime la participation, dans le second cas on l’affirme. Voilà pourquoi la première et la seconde hypothèse sont envisagées successivement à deux points de vue selon qu’on exclut ou qu’on pose la participation. Nous allons voir qu’il en est de même dans toutes les autres hypothèses. C’est donc bien toujours de la participation qu’il s’agit, et ce que Platon veut établir, ce n’est pas seulement qu’on peut tout affirmer et tout nier de l’un et des autres choses, soit que l’un existe, soit qu’il n’existe pas ; c’est encore qu’on peut faire la même démonstration, soit que l’un participe à l’être, soit qu’il n’en participe pas. Pour rendre plus sensible cet aspect du problème, on pourrait transposer l’ordre, d’ailleurs très rationnel et très clair, adopté par Platon, et ordonner ainsi les huit hypothèses de Parménide.

Nous aurions d’abord deux hypothèses : si l’un participe à l’être, s’il n’en participe pas. La démonstration platonicienne consiste à prouver que dans le premier cas l’un admet tous les contraires, ou qu’on en peut tout affirmer (deuxième hypothèse) ; que les autres choses admettent tous les contraires ou qu’on en peut tout affirmer (troisième hypothèse) ; que si l’un, même n’étant pas, participe à l’être, il reçoit encore tous les contraires ou qu’on en peut tout affirmer (cinquième hypo-