Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

pensée humaine atteigne jamais aucune chose en soi ; nous ne pouvons connaître ni le beau, ni la justice, ni aucune Idée. De là résulte une conséquence encore plus grave ; Dieu ou les dieux pourront bien connaître en soi, mais non pas l’homme ou les choses humaines ; ni leur pouvoir ne s’exercera sur nous, ni leur science ne nous connaîtra. De même l’homme ne pourra pas connaître les dieux (133-134, A). Il paraît impossible à Socrate de ne pas reculer devant l’impiété d’une telle assertion.

Remarquons qu’en commençant (133, B) et en finissant (135, A) l’exposé de cette dernière objection, Platon a soin d’indiquer qu’il ne la considère pas comme insoluble pour des esprits très heureusement doués et profondément versés dans une science presque divine, à laquelle il fait une allusion assez mystérieuse. Il ajoute d’ailleurs qu’on pourrait soulever contre la participation encore beaucoup d’autres difficultés ; mais il s’en tient à celles qui viennent d’être indiquées.

Arrivons à la seconde partie du dialogue. Au lieu de continuer à énumérer des objections contre la théorie des Idées, Parménide, par un brusque détour, indique à Socrate une méthode dont l’usage l’amènera à résoudre toutes les difficultés. Car il est à remarquer que, pas un instant, dans tout l’ouvrage, les objections ne sont considérées comme insolubles ; mais, bien au contraire, ainsi que nous avons eu soin de le noter dans l’analyse précédente, il est dit expressément, pour la plupart d’entre elles, qu’une science plus étendue et plus approfondie que celle du jeune Socrate peut en avoir raison. Ici encore, si négative que doive être la conclusion de l’exercice dialectique dont Parménide va donner un exemple à ses auditeurs, la manière même dont cette subtile discussion est amenée nous avertit à l’avance qu’il ne faudra pas nous en tenir à ces conclusions, mais chercher ailleurs et plus loin un point de vue qui permette de les résoudre.

La méthode dont Parménide préconise l’emploi, et qui est celle de Zénon, est indiquée très clairement : il s’agit de poser une Idée, par exemple celle de l’un, et de déterminer rigoureusement toutes les conséquences qui résultent de cette Idée en supposant qu’elle existe. Pour que la méthode soit complète, il faudra déterminer les conséquences qui résultent de