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PHILOSOPHIE ANCIENNE

sité d’un auditeur ou d’un lecteur à la laisser plus longtemps en suspens : le mot d’une énigme, lorsqu’il a été vainement cherché, ou la solution d’un problème, lorsqu’on a fait de longs et inutiles efforts pour la trouver, s’impose bien plus fortement à tous les esprits ; ceux qui n’ont pas su résoudre la difficulté sont aussi moins prompts aux objections. Au surplus, nous n’avons pas ici à justifier Platon ou à plaider sa cause. Après tout, le procédé qui consiste à présenter tout d’abord, fût-ce en les dramatisant un peu, toutes les difficultés d’une question qu’on se réserve de résoudre bientôt n’a rien d’illégitime. C’est la méthode qu’Aristote emploiera constamment, et c’est peut-être la meilleure.

Mais, avant d’entrer dans l’examen de cette seconde partie du Parménide, il nous faut rappeler brièvement les principales objections présentées dans la première. On verra en effet que la solution de toutes ces difficultés, donnée par Platon dans le Sophiste, est impliquée dans celle de la dernière objection et ne peut se comprendre sans elle.

Il est à remarquer d’abord que tous les interlocuteurs du dialogue admettent d’un commun accord la théorie des Idées et celle de la participation du monde sensible aux Idées intelligibles ; mais ces deux théories sont l’objet dans la première partie du dialogue de difficultés graves qu’on peut ramener à cinq principales :

1° Socrate admet sans contestation que les choses sensibles qui participent aux Idées sont à la fois semblables et dissemblables entre elles, unes et multiples. Socrate est multiple puisqu’on peut distinguer en lui le gauche et le droit, l’avant et l’arrière, le haut et le bas ; en même temps il est un, puisque entre sept hommes il est un individu distinct de tous les autres ; il n’y a pas là de quoi s’étonner. Mais ce qui lui paraît prodigieux, c’est que le même rapport reste entre les Idées elles-mêmes, que la Ressemblance en soi participe à la Dissemblance en soi, l’Unité en soi à la Pluralité en soi. Voilà ce qu’il demande à Parménide de lui expliquer (129, A ; 130, A). « Si quelqu’un commençait par distinguer et séparer les Idées absolues dont je viens de parler, telles que la ressemblance et la dissemblance, l’unité et la pluralité, le repos et le mouvement, et toutes les autres Idées pareilles, et