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PHILOSOPHIE ANCIENNE

Nous voulons parler de Dion à qui Platon a consacré une épitaphe tout empreinte du souvenir d’un sentiment passionné. Avec ce prince, qui n’était plus un jeune garçon, mais précisément, comme le prescrit Diotime, un jeune homme d’à peu près vingt ans, aussi beau de corps que bien doué du côté de l’esprit, lorsque Platon, âgé de plus de trente-cinq ans, le rencontra à Syracuse, l’élève de Socrate n’a pas seulement philosophé. De concert avec lui il a aussi formé des projets de rénovation politique et sociale et espéré les réaliser par son appui » (Ib., p. 412). Ces explications sont ingénieuses, plausibles, peut-être vraies. Il est certain d’ailleurs qu’en pareille matière il ne faut pas prétendre à la certitude absolue. J’avoue pourtant qu’il m’est bien difficile de prendre tout à fait au sérieux l’érotisme, même corrigé par le mot mystique, de Socrate. Et il semble bien qu’il y a dans les métaphores où se complaît Socrate un peu de symbolisme et une ironie qui joue sur le sens des mots. C’est du moins l’opinion d’Alcibiade, affirmée sans détour à deux reprises (216, D ; 222, B).

Hypothèse pour hypothèse, celle qui est présentée ici a peut-être aussi sa valeur. Elle paraît justifiée par les textes, elle s’accorde assez bien avec les autres dialogues de Platon, elle n’est peut-être pas indigne de l’ensemble du système ; elle a le mérite de montrer un nouvel aspect du caractère de Platon et de mettre en lumière une forme souvent oubliée de son génie si varié et si riche : « Il appartient au même homme d’être à la fois poète tragique et poète comique ».