Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
PHILOSOPHIE ANCIENNE

comme celui de Prodikos de Céos ; Éryximaque comme celui d’Hippias d’Élis ; et Agathon, d’après le Banquet lui-même, est un des fidèles de Gorgias.

Le dialogue sur l’amour nous apparaît ainsi comme une attaque vivement menée contre les mêmes sophistes que Platon prend si souvent à partie ; mais, cette fois, c’est dans leurs disciples qu’il les attaque. C’est aussi un disciple de Socrate, Alcibiade, qui prononce le dernier discours ; on verra plus loin que c’est surtout d’enseignements de maîtres et de disciples qu’il est question dans le Banquet. Le Banquet est le dialogue des disciples : c’est à ses fruits que nous pouvons juger l’enseignement des maîtres.

Dans toute la première partie du dialogue, et même encore dans la dernière, il y a une ironie latente et discrètement voilée, si bien qu’elle a pu échapper plus d’une fois au lecteur inattentif, mais qui fait honneur à la verve comique de Platon. C’est dans le Banquet, — et c’est le dernier mot de ce dialogue, — qu’il fait dire par Socrate qu’il appartient au même homme d’être poète tragique et poète comique (223, D). Nous savons qu’il avait commencé par des tragédies ; les dialogues nous montrent de quoi il était capable dans la comédie.

Que le discours de Phèdre dans le Banquet soit encore une parodie de Lysias, c’est ce qu’autorisent à supposer les nombreuses ressemblances que nous apercevons entre les deux ouvrages. C’est la même doctrine, la même manière un peu sèche de la présenter, le même procédé de démonstration par des exemples empruntés à la mythologie ou aux poètes. Ces ressemblances sont si grandes et les intentions du Phèdre si peu douteuses, qu’il semble superflu d’insister ici sur un rapprochement qui se fait en quelque sorte de lui-même.

Le discours de Pausanias est une contrefaçon des discours de Prodikos. L’intention malveillante de Platon est attestée par le jeu de mots facilement traduisible en français que nous lisons aussitôt après le discours de Pausanias, et par la remarque qui l’accompagne : « Pausanias ayant fait une pause [et voilà un de ces jeux de mots que nos sophistes enseignent] » (185, C). — Gomperz remarque avec raison que Prodikos « a introduit dans l’Éthique une notion qui a joué