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C’était tout le matin, c’était un long murmure,
Comme les blancs ramiers autour de leurs maisons,
D’écoliers à mi-voix répétant leurs leçons,
Puis la messe, les jeux ; et, les beaux jours de fête,
Des offices sans fin chantés à pleine tête.

Aujourd’hui que mes pas négligent le saint lieu,
Sans culte, et cependant plein de désir vers Dieu,
De ces jours de ferveur, oh ! vous pouvez m’en croire,
L’éclat lointain réchauffe encore ma mémoire,
Le psaume retentit dans mon âme, et ma voix
Retrouve quelques mots des versets d’autrefois.
Jours aimés ! Jours éteints ! Comme un jeune lévite,
Souvent j’ai dans le chœur porté l’aube bénite,
Offert l’onde et le vin au calice, et, le soir,
Aux marches de l’autel balancé l’encensoir.
Cependant tout un peuple à genoux sur la pierre,
Parmi les flots d’encens, les fleurs et la lumière,
Femmes, enfants, vieillards, hommes graves et mûrs,
Tous dans un même vœu, tous avec des cœurs purs,
Disaient le dieu des fruits et des moissons nouvelles,
Qui darde ses rayons pour sécher les javelles,
Ou quelquefois permet aux fléaux souverains
De faucher les froments et d’emporter les grains ;
Les voix montaient, montaient ! Moi, penché sur mon livre,
Et pareil à celui qu’un grand bonheur enivre,
Je tremblais, de longs pleurs ruisselaient de mes yeux ;
Et, comme si Dieu même eût dévoilé les cieux,
Introduit par sa main dans les saintes phalanges,
Je sentais tout mon être éclater en louanges,
Et, noyé dans des flots d’amour et de clarté,
Je m’anéantissais devant l’immensité !